Les vertébrés Tétrapodes seraient apparus dès le début du Dévonien moyen (Eifelien : – 397 à –391 millions d’années), soit 18 Ma plus tôt que leurs premiers fossiles actuellement connus.
Il est admis depuis Cope (1892) que les Tétrapodes ont évolué à partir de poissons Sarcoptérygiens au cours du Dévonien (- 416 à - 359 millions d’années).
Jusqu’à ces dernières années (2006), le Sarcoptérygien le plus proche des Tétrapodes par le squelette de ses nageoires paires et de son neurocrâne était Eusthenopteron, un Tétrapodomorphe Ostéolépide de la limite Dévonien moyen (Givétien) – Dévonien supérieur (Frasnien), soit environ - 385 Ma. Les plus anciens squelettes de Tétrapodes (Ventastega, Acanthostega, Ichthyostega) sont de la fin du Dévonien supérieur du Groenland (fin du Famennien : - 374 à - 359 Ma). Entre ces deux ensembles, le « trou de Romer » d’environ 11 Ma, est dépourvu de tout fossile intermédiaire.
En 2006, ce « trou » devient occupé par la découverte au début du Dévonien supérieur (début du Frasnien : environ - 380 Ma) du Canada arctique de 3 squelettes parfaitement conservés de la moitié antérieure d’un poisson Tétrapodomorphe Elpistostégide (Tiktaalik) dont le squelette de la nageoire antérieure est plus proche de celui du membre chiridien des premiers Tétrapodes que celle d’Eusthenopteron [1]. Le passage de la nageoire des Sarcoptérygyens Tétrapodomorphes au membre chiridien des Tétrapodes aurait donc eu lieu au début du Dévonien supérieur (Frasnien) entre - 374 et - 380 Ma.
Des traces de pas (largeur moyenne : 15 cm, avec parfois des empreintes de doigts) disposées en diagonale selon une douzaine de pistes, découvertes en 2010 dans la région de Zachelmie, au SE de Varsovie [2] bouleversent la théorie classique de la « sortie des eaux » qui vient d’être évoquée. Elles ont été laissées dans la boue d’un milieu marin peu profond (lagon ou plage soumise à l’action des marées) par plusieurs animaux quadrupèdes (0,5 à 2,5 m de long) qui ne peuvent être que des Vertébrés Tétrapodes. Datées sans aucune équivoque du début du Dévonien moyen (début de l’Eifelien : - 397 Ma), elles prouveraient que des Tétrapodes existaient 18 Ma avant leurs plus anciens squelettes connus et, fait plus étrange, environ 10 Ma avant les premiers Poissons Elpistostégides pourtant considérés comme leurs ancêtres. Ceci implique que les Elpistostégides ne constitueraient pas un bref stade de transition comme on le pensait, mais un groupe stable ayant vécu pendant au moins une vingtaine de Ma dont au moins 10 (dépourvues de tout fossile) en cohabitation avec les premiers Tétrapodes.
Dans un article commentant celui des auteurs polonais, Ph. Janvier et G. Clément [3] font remarquer que des restes squelettiques identifiés comme Tétrapodes malgré l’absence de membres pairs, sont connus dès le Dévonien moyen (Frasnien et probablement Givétien supérieur : - 385 Ma). De même, des traces de pas de Tétrapodes ont été trouvées à la fin du Dévonien moyen (fin du Givétien : - 385 Ma), voire Eifélien (- 397 à - 391Ma). La divergence entre Elpistostégides et Tétrapodes aurait eu lieu beaucoup plus tôt que prévu, peut-être à la fin du Dévonien inférieur (Emsien : - 407 à - 397 Ma), période au cours de laquelle quelques très rares poissons Tétrapodomorphes sont connus. Mais les traces laissées par des organismes vivants sont, parmi les fossiles, les plus difficiles à interpréter. Elles n’apportent pas de solution au problème de la transition poissons – Tétrapodes qu’il vaut mieux considérer comme toujours incertaine.
- [1] Daeschler et al. Nature, 440, 757-762 (2006)
- [2] Niedzwiedzki et al. Nature, 463, 43 – 47 (2010)
- [3] Janvier Ph. & Clément G., Nature, 463, 40 – 41 (2010)
André Beaumont, mars 2010