Lauréats du prix Charles Bocquet

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2018 : Michel Laurin

Michel Laurin a été formé à la zoologie évolutive et à la paléontologie des vertébrés auprès de Robert R. Reisz (université de Toronto) et R. Carroll (McGill). Ses premiers travaux portèrent sur l'apparition des amniotes, tortues, lissamphibiens (amphibiens actuels : anoures, urodèles et gymnophiones) et thérapsides (groupe incluant les mammifères et une partie de leur groupe-souche). Il profita de son séjour à l'Université de Californie à Berkeley (1994–1996) pour étayer sa nouvelle hypothèse sur l'origine des lissamphibiens par l'étude des collections herpétologiques du Museum of Vertebrate Zoology. Ses résultats réfutent des idées admises depuis les travaux de Cope des années 1880. Son interprétation suggère que l'absence de tympan chez les urodèles et les gymnophiones est primitive (cas unique chez les tétrapodes), alors qu'on pensait auparavant qu'elle résultait d'une perte survenue tôt dans leur évolution, vers le Trias ou le début du Jurassique. De même, un bref séjour à Berlin (1997–1998) lui permet d'affiner son hypothèse sur l'origine des amniotes. Ses études sur l'origine lointaine des mammifères ont permis de combler la plus grande lacune dans le registre fossile, très riche, documentant l'émergence de ce taxon depuis sa séparation d'avec les sauropsides, il y a au moins 318 millions d'années. Ses travaux sur l'évolution des reptiles ont montré que le tympan des archosaures (crocodiles et oiseaux) est bien homologue à celui des et des lépidosaures (squamates et sphenodontidés).

 

Depuis son entrée au CNRS (1998), ses travaux se sont tournés vers la biologie comparative et évolutive. Un de ses projets principaux étudie la relation entre la microanatomie osseuse, surtout abordée en coupe transversale d'os longs des membres (fémurs et humérus, surtout) et le mode de vie chez les tétrapodes actuels (environ 500 espèces étudiées dans tous les grands taxons) et quantifiée à l'aide d'un nouveau logiciel, qui est maintenant le standard dans ce domaine. Ceci permet l'élaboration de modèles quantitatifs d'inférence du mode de vie des premiers tétrapodes, afin de reconstituer l'histoire de la sortie des eaux et des premiers retours à l'environnement aquatique chez les vertébrés, histoire qui paraît relativement complexe. Il démontre également que les premiers tétrapodes, qui étaient encore amphibies, vivaient aussi bien dans des milieux marins saumâtres qu'en eau douce. Des données sur la taille des logettes ostéocytaires (cavités de l'os abritant leurs cellules) lui ont permis de démontrer que le génome des premiers tétrapodes et amniotes était d'une taille similaire à celui des mammifères et que chez les urodèles, la spectaculaire augmentation de la taille du génome avait déjà eu lieu au Jurassique moyen, il y a plus de 165 millions d'années.

 

Ses intérêts plus récents comprennent le développement de nouvelles méthodes pour mieux étudier l'évolution au niveau phénotypique. Ainsi, il développa une méthode pour détecter les hétérochronies de séquences (d'événements) qui fut ensuite adoptée par divers autres groupes de recherche. Il démontra également que les données de séquences de développement peuvent bien être utilisées pour établir les liens de parenté entre taxons, contrairement à ce qui était alors admis. Plus récemment, il travailla à une meilleure intégration des données paléontologiques et moléculaires pour étudier les processus de diversification taxonomique, les tendances évolutives, et pour mieux dater l'Arbre du Vivant. Il a également démontré que l'appendice du caecum (souvent retiré en cas d'appendicite) n'est pas un vestige inutile mais qu'il semble bien avoir une valeur sélective, puisqu'il est apparu au moins 29 fois chez les mammifères et qu'il est rarement disparu par la suite.

 

Son implication dans l'enseignement, qui commença dès sa maîtrise (chargé de travaux pratiques dès 1988 et chargé de cours en 1993, dans les deux cas à l'Université de Toronto) se poursuivit en France sur un poste d'enseignant-chercheur temporaire à l'Université Paris-7 Denis Diderot (1996-1997). Après son recrutement au CNRS, il continua une partie de cet enseignement à Paris 7 et rédigea un livre de zoologie, centré sur la systématique, la paléontologie et l'évolution, destiné aux étudiants universitaires et publié en français et en anglais. Il enseigne parfois la zoologie évolutive dans d'autres institutions, en France (École normale supérieure à Paris, École nationale de géologie à Nancy), ailleurs en Europe (Zurich) et en Amérique Latine (Buenos Aires et Mexico).

 

Finalement, il ne négligea pas le milieu associatif, puisqu'il s'impliqua dans diverses sociétés savantes, dont l'Association paléontologique française, dont il fut président (2012–2014), ainsi que l'International Society for Phylogenetic Nomenclature, dont il fut président (2012–2014 et 2007–2010, respectivement) et est toujours secrétaire. De même, il sert sur les comités éditoriaux de plusieurs revues, dont Zoologica Scripta (2011–), le Journal of Evolutionary Biology (2008–), Contributions to Zoology (2009–) et Frontiers in Genetics (2011–). Depuis 2011, il est également rédacteur en chef des Comptes rendus palevol de l'Académie des sciences, dont il réorganisa et étendit le comité éditorial. Au sein du Muséum national d'histoire naturelle, il a dirigé brièvement l'équipe Formations squelettiques (2007–2008) et dirige depuis l'équipe Phylogénie et diversification des métazoaires du CR2P (UMR 7207).

2015 : Hervé Philippe

Hervé Philippe a commencé ses travaux de recherche à l’université de Paris-Sud-Orsay dans le laboratoire du professeur André Adoutte. Après la disparition de celui-ci, il a intégré l’équipe de Hervé Le Guyader à l’université de Paris VI ; maintenant rattaché au laboratoire de théorisation et modélisation de la biodiversité à la Station d’écologie expérimentale de Moulis. Il est par ailleurs professeur à l’université de Montréal (Canada) où il dirige une équipe de biologie évolutive au département de biochimie (centre Robert Cedergren). Auteur d’environ 150 publications et excellent conférencier, il est un pédagogue apprécié.

Ses travaux de recherche, qui lui ont valu une notoriété internationale, tant pour les résultats qu’il a obtenus que par les méthodes qu’il a développées, portent essentiellement sur les phylogénies moléculaires. Il a abordé les différents niveaux taxinomiques dans des lignées phylogénétiques très variées, contribuant de façon majeure aux progrès de la connaissance sur la phylogénie des Archea, des Métazoaires et des Algues. Pour accroître le fiabilité des reconstitutions phylogénétiques, il a développé des méthodes impliquant l’accroissement du nombre des échantillons, des critères, des séquences, des taxons, et s’est intéressé aux artefacts liés à l’attraction des longues branches et aux hétérochronies.

Ses résultats confortent la théorie selon laquelle les Spongiaires sont monophylétiques et le groupe-frère des autres animaux, dont s’isolent d’abord les Cténaires, puis les Cnidaires, puis les Placozoaires, qu’il considère comme étant le groupe-frère du reste de l’ensemble du règne animal. Il a montré que les Myxozoaires se rattachaient aux Cnidaires, que les Acoeles et les Xénoturbellides appartenaient aux Deutérostomiens, que les Urochordés (et non les Stomochordés comme on l’avait d’abord pensé) étaient le groupe-frère des Vertébrés, et que les Tardigrades étaient le groupe-frère de l’ensemble des deux lignées Arthropodes et Onychophores.

2012 : Pierre Capy (pierre.capy [at] legs.cnrs-gif.fr)

Pierre Capy, né en 1957, s'est orienté vers la recherche en génétique en suivant les enseignements du DEA de Génétique quantitative et appliquée. Son initiation à la recherche s'est faite à l'occasion d'un stage à la station d'amélioration génétique des animaux du centre de recherches zootechniques de l'INRA à Jouy-en-Josas, portant sur les relations entre le complexe majeur d'histocompatibilité et les caractères de production chez le porc. Ce travail a donné lieu à une publication (annales de génétique et sélection animale). Il s'est ensuite engagé dans les recherches conduites par Jean R. David au laboratoire de génétique évolutive et biométrie du CNRS (dont Charles Bocquet a été directeur de 1966 à 1977) sur la génétique des populations naturelles de drosophiles, travaillant d'abord d'un point de vue plutôt théorique sur l'utilisation dans ce genre d'études de la technique d'échantillonnage par lignées isofemelles (descendances obtenues au laboratoire de femelles récoltées individuellement, fécondées par un nombre a priori indéterminé de mâles), puis plus généralement sur la variabilité, notamment pour les caractères à variation continue, entre populations naturelles de Drosophila melanogaster et D. simulans . Ceci a donné lieu d'abord à une thèse de troisième cycle, puis à une thèse d'Université, soutenues à l'Université de Paris-Sud, respectivement en 1982 et 1987.

L'activité de recherche de Pierre Capy s'est ensuite poursuivie intégralement dans le même laboratoire, devenu par la suite le LEGS (laboratoire évolution, génomes et spéciation), toujours avec pour matériel biologique favori les drosophiles, mais avec une thématique qui a considérablement évolué. Aux analyses presque purement quantitatives du début se sont ajoutées des études portant sur des gènes bien identifiés, notamment le gène de structure de l'alcool-déshydrogénase, dont la variation a été abordée à la fois au niveau populationnel et au niveau moléculaire, et surtout, vers 1990, des recherches sur les éléments transposables initiées lors d'un stage post-doctoral aux Etats-Unis à la School of Medicine de la Washington University dans l'équipe du professeur D.L. Hartl de 1990 à 1991. Ces recherches (plus particulièrement sur l'élément mariner) ont permis d'aborder l'évolution et la classification des transposons eux-mêmes ainsi que leurs effets sur les populations des espèces hôtes. L'ensemble de ces travaux a donné lieu à plus de 100 publications, pour la plupart dans des revues d'excellent niveau, pour moitié sur le thème « éléments transposables » et pour moitié sur la génétique écologique, la génétique quantitative et la génétique évolutive (trois domaines entre lesquels les limites ne sont pas claires).

Après un début de carrière comme chercheur au CNRS, Pierre Capy a consacré une large part de son activité à l'enseignement, d'abord par détachement, puis par titularisation comme professeur à l'université Paris-Sud où il a été rapidement investi de responsabilités : il est actuellement président du département de biologie de la faculté des sciences. Il a en outre de grosses responsabilités en matière d'administration de la recherche : direction du LEGS et direction de l'IDEEV (institut « diversité, écologie et évolution du vivant », récemment créé, qui regroupe le LEGS, incluant une unité propre de l'IRD, la station de génétique végétale du Moulon, et le laboratoire « écologie, systématique, évolution », auquel sont associées plusieurs autres unités du « grand campus Gif-Orsay »).

2009 : Jean Deutsch / 2006 : Guillaume Lecointre / 2003 : François Bonhomme / 2000 : V. Volobouev / 1997 : Hervé Le Guyader / 1994 : Pascal Tassy / 1991 : G. & N. Pasteur / 1988 : G. Bernardi / 1985 : H. Tintant / 1982 : Michel Solignac / 1979 : Jean Génermont