Vincent Albouy, Les insectes ont-ils un cerveau ?, Editions Quae, 2010, 200 p.
Ce livre, destiné a des amateurs éclairés, aux spécialistes d'autres disciplines incomplètement familiarisés avec l'entomologie, et sans doute aussi aux candidats a des concours télévisés nécessitant une érudition pointue, est bien écrit, agréable à parcourir et richement illustré (une figure ou une photographie en moyenne sur deux pages). Il a pour objectif de donner une réponse actualisée et de haute vulgarisation à 200 questions diverses et hétérogènes qu'un lecteur peut se poser a propos des insectes, sur leur organisation et leur évolution, certains points de leur physiologie, de leur reproduction et de leur croissance, différents aspects de leur biologie, de leur vie sociale, des relations entre les insectes et l'homme, les performances des insectes « à records » et les règles de nomenclature.
Il se veut une introduction au monde des insectes. À ce titre, il répond à des interrogations ou à des sentiments de curiosité, tout en n'étant pas conçu comme un traité académique, puisqu'il ouvre une large place a l'anecdote. Il en résulte une approche originale des organismes sur un mode attrayant et pédagogique. Le titre du volume Les insectes ont-ils un cerveau ? reprend l'une des questions qui y sont posées ; mais on peut toutefois se demander pourquoi l'auteur l'a choisie et privilégiée au détriment des 199 autres, dont beaucoup concernent des aspects sans doute plus enrichissants de la biologie ou de l'organisation des insectes. Certains chapitres sont plus fouillés que d'autres et répondent alors de façon très pertinente et détaillée aux interrogations du lecteur ; c'est en particulier le cas des exposés consacrés à l'initiation aux insectes sociaux et aux règles de la classification, dont il convient de souligner la qualité.
Nous regretterons toutefois l'absence de bibliographie, toujours utile à un lecteur qui souhaite en apprendre davantage sur un sujet déterminé (fut-ce une exigence de l'éditeur ?) et le caractère dérisoire de certaines interrogations qui sont typiques de l'esprit des jeux télévisés (« Quel insecte vit à la plus grande profondeur ? » ou « À l'envergure la plus grande ? », « vit le plus longtemps ? » ou « court le plus vite ? »). Même s'il n'est pas toujours aisé de regrouper les questions sous forme de chapitres et sous un titre commun, certains regroupements thématiques ne manquent pas, par comparaison avec d'autres mieux ciblés, d'apparaitre comme trop larges et de facto artificiels, comme l'évolution et la biologie, ou la longévité et la reproduction. Quand il écrit (p. 73) que « les insectes mangent de tout ou presque », l'auteur veut-il dire que, comme l'homme, chaque individu d'insecte est omnivore ou, plus logiquement, que dans l'éventail global des insectes on observe une diversité pratiquement complète des régimes alimentaires possibles ? Certains aspects demanderaient en revanche à être (ou à être plus complètement) développés, comme le déterminisme génétique de l'évolution des insectes ou les co-adaptations.
Un tel ouvrage n'est pas, et on peut affirmer à sa décharge qu'il ne peut pas l'être, exhaustif. En revanche, il couvre de façon attrayante et didactique un large éventail d'interrogations, certes d'intérêt très inégal, mais répondant à la demande et à l'intérêt d'un lectorat cultivé. « Les insectes ont-ils un cerveau ? » est destiné à un public érudit de même nature que celui salué naguère par Fernand Lataste sous le collectif de "Messieurs les Cérébrés".
Jean-Loup d'Hondt