Grenouilles, crapauds et cie. Parlez-moi d'anoures, de Françoise Serre Collet, Editions Quae, 2017.
Un an et demi après la parution dans le même collection d'un livre sur les serpents de France, l'auteur consacre un nouvel ouvrage de conception à peu près similaire, mais fort de 25 pages supplémentaires, aux amphibiens Anoures de la faune française. Il est donc tentant d'établir une comparaison entre les deux volumes. Dans le plus récent, le nombre des chapitres a été augmenté de façon à leur assigner une thématique moins générale, et leurs titres respectifs sont inspirés, avec humour, de ceux de chansons populaires anciennes et récentes dans lesquelles le mot « Anoures » a été substitué à celui d' « Amour » ; le sujet s'y prêtant bien puisqu'un grand nombre d'entre eux est consacré à la reproduction, aux parades nuptiales, à la ponte, au développement et aux soins parentaux. Les illustrations occupent une place proportionnellement encore plus importante que dans le livre sur les serpents, mais ne sont pas toujours aussi saisissantes, ayant apparemment plutôt été sélectionnées en fonction de leur intérêt didactique. La plus impressionnante est celle faisant face au sommaire : un Amphibien représenté repu et présumé somnolent, les pattes décorées de taches évoquant de riches bracelets reposant sur son ventre, évoquant des ressemblances avec quelques-unes des postures anthropomorphes privilégiées par certaines écoles artistiques, mais aussi avec certaines figures médiatiques contemporaines.
Aux généralités sur le mode de vie des Anoures et leur anatomie font suite des chapitres spécialisés portant sur la respiration, la locomotion, la polychromie, l'hivernage, l'analyse du chant, les différents modèles de pontes, la frénésie du comportement reproducteur, les phases de la métamorphose, les prédateurs. Un critère d'identification mal connu du grand public, la forme spécifique de l'oeil et de la pupille, est richement illustré sous le titre évocateur de « Regards de braise ». La reproduction de l'Alites obstetricans (alite accoucheur) est décrite dans le détail et illustrée par plusieurs pages de photographies. Il faut noter que tant la biologie que l'identification reposent essentiellement sur l'iconographie, davantage que dans le livre sur les serpents. Quelques photographies incitent à partager avec l'auteur un sourire complice, comme celles de la page 41 qui présente un alignement de rainettes endormies successivement l'une derrière l'autre sur une même branche d'arbre, ou celle qui présente l'une d'entre elles baillant à s'en décrocher la mâchoire, ou encore (page 90) un portrait de têtard ouvrant la bouche.
Le chapitre dévolu à l'identification est plus réduit que son homologue inclus dans le livre sur les Ophidiens : 29 pages pour 27 espèces et sous-espèces dans le cas des Anoures, 14 espèces en 40 pages pour les serpents. Bien que concis, le texte est bien explicite ; les caractères significatifs sont reportés dans des bulles ou de courtes indications anatomiques fléchées, reliées au caractère correspondant sur l'animal. La distribution géographique des espèces est, et c'est là notre principal regret, toujours indiquée à l'aide d'une carte dont les couleurs sont mal contrastées et gênantes pour le lecteur n'ayant pas une vision parfaite ; ceci devrait être reconsidéré pour l'éventuelle publication d'ouvrages ultérieurs. Il ressort de la lecture du volume que différentes signalisations en France, et notamment en (Nouvelle) Aquitaine, de Rana esculenta doivent être erronées, deux autres espèces pouvant être candidates pour l'attribution de différentes citations relevées dans la littérature. Un oubli qu'il serait toutefois mesquin de reprocher à l'auteur : le livre n'indique pas si la rainette qu'observait le maréchal Thomas Bugeaud pour l'aider à prévoir les intempéries potentielles du jour (page 138) était ou non originaire de la Dordogne - où l'espèce est présente - et provenait plus précisément de la région d'Excideuil où il possédait un domaine à partir duquel il encourageait les performances des agriculteurs locaux et les incitait à acclimater des productions vivrières d'origine exotique.
L'auteur rappelle que les Anoures de France sont pour la plupart d'entre eux protégés et que l'obligation de créer des normes et des zones de sauvegarde devait permettre en pratique de régler certains des problèmes de voisinage sonore entre habitants riverains, dont l'actualité récente et la presse régionale se font périodiquement l'écho. Le livre s'achève par des considérations diverses, dont celles visant à la sauvegarde des localités et biotopes à amphibiens, les effets de l'évolution climatique sur ces derniers, et des différentes natures de pièges que leur réserve leur environnement. Un chapitre est aussi consacré aux Anoures comestibles et aux confusions entre les espèces, protégées ou non, qu'elles soient elles-même délibérées ou involontaires, commises par les restaurateurs les proposant sur leurs cartes. Un autre l'est aux espèces importées, dont la grenouille-taureau, et à leurs impacts.
Même s'il est toisé en quatrième de couverture par une grenouille hautaine et souveraine, le lecteur ne peut que retirer un vif plaisir à la lecture de cet ouvrage plaisant et de haute vulgarisation, à la fois agréable à lire et enrichissant. Espérons maintenant « dans la foulée » que viendront dans l'avenir s'ajouter de autres volumes de la même veine, respectivement consacrés le premier aux lézards et aux tortues, le second aux Urodèles, afin de compléter judicieusement cette série qui se muerait alors une tétralogie de qualité.
Jean-Loup d'Hondt
Pour en savoir plus : la page de présentation du livre sur le site de l'éditeur