Les animaux et le sexe

Les animaux et le sexe

Les animaux et le sexe, de Matthieu Keller, Éditions Quae, 2018, 112 p.

Nous espérons que l’auteur de ce petit livre ne nous tiendra pas trop rigueur de reconnaître qu’il nous a malheureusement un peu déçu, sur le fond comme sur la forme, du moins en fonction de ce que nous en attendions personnellement ; déjà en raison de la richesse du sujet et de la diversité des informations qui auraient pu y figurer, avec profit et en intéressant sinon en passionnant le lecteur. Comme d’autres ouvrages de la même collection, il se présente comme une suite de questions auxquelles l’auteur donne réponse, ce qu’il fait très pertinemment et ce en quoi nous ne pouvons que lui en être très redevables. Ces réponses sont bien rédigées, détaillées et constituent l’indéniable point fort de l’ouvrage ; elles nous ont en ce sens beaucoup plu ; elles montrent la culture de l’auteur concernant certains groupes zoologiques, ce qui est tout à son honneur. Nous avons notamment apprécié les chapitres consacrés à la nécessité du sexe dans la reproduction, l’organisation des comportements sexuels, les messagers de la reproduction ou la sexualisation du cerveau.

Mais même s’il n’était évidemment pas question de traiter du sexe dans l’ensemble du règne animal, attitude que nous sommes les premiers à défendre vu le volume qu’a sans doute exigé l’éditeur de l’ouvrage, certaines lacunes sont malheureusement injustifiables. Ce livre semble s’adresser dans un certain nombre de cas aux candidats d’émissions radio-télévisées, aux centres d’intérêt sélectifs, où l’élimination des participants s’effectue au cours d’une suite d’interrogations portant sur des aspects anecdotiques, dont de rares anomalies structurelles ou comportementales d’animaux familiers ou exceptionnels. Le livre est en revanche déconnecté de la diversité de la classification animale (on peut se demander si elle est connue de l’auteur, puisqu’elle n’est évoquée nulle part), étant donné qu’il ne choisit pratiquement ses exemples que dans 3 des 37 embranchements actuels les plus spectaculaires du règne animal (essentiellement celui des vertébrés très rarement celui des arthropodes, exceptionnellement celui de mollusques), comme si les autres embranchements étaient inexistants ou dépourvus d’intérêt.

Il est probable que la plupart des lecteurs qui ne disposent pas de la science infuse ignoreront (p. 86) que les pseudoceratidae sont des animaux « vermiformes », à plus forte raison des platelminthes (et, sans informations complémentaires, ce que sont les platelminthes !). Et pourtant les exemples passionnants n’auraient pas manqué chez les organismes à reproduction uniparentale ou parthénogénétiques, chez par exemple les protozoaires, les rotifères ou les daphnies, dans le cas de la reproduction des gordiens ou du cycle vital de nombreux parasites. La reproduction des crépidules présente d’autres sources d’intérêt que celles abordées ici. En fait, il aurait été plus légitime de remplacer, dans le titre de l’ouvrage, le terme « animaux » par celui de « vertébrés », ce qui aurait évité d’induire le lecteur en erreur, mais peut-être fallait-il donner au livre un titre « accrocheur » ou « à sensation » ?

En outre, on peut relever en cours de lecture quelques omissions, mais il est vrai tout à fait secondaires, comme parmi d’autres la différenciation de la sexualité dans l’évolution, l’existence des spermatophores, ou le fait (p. 100) que les mouches ne sont pas les seuls nécrophages exploitant un cadavre. Comme il s’agit d’un livre qui se veut et qui est pédagogique et sérieux dans la rédaction de son contenu, on peut se demander si les intitulés des questions sont de la même main que les réponses qui y sont apportées. Sans doute a-t-on voulu « faire jeune » et séduire un public d’une certaine tranche d’âge, mais même pour cette raison il n’était quand même peut-être pas nécessaire de formuler quelques-unes des questions de façon puérile (et de ce fait parfois ridicule) en utilisant le vocabulaire imagé utilisé pour s’adresser aux tout jeunes enfants ne connaissant encore que quelques mots de notre vocabulaire ?

Jean-Loup d’Hondt